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L'une des conditions posées par le Centre international pour la recherche en agroforesterie (World Agroforestry) pour qu’il finance la participation des délégués au 4e Congrès mondial d’agroforesterie était que ceux-ci suivent préalablement une formation sur les contributions déterminées au niveau national (CDN) au titre de l’accord de Paris sur le climat de 2015. Cette formation ne leur a pas seulement ouvert les yeux, elle a également changé leur vie.
Un rapport de Lalisa Duguma, chercheuse éthiopienne au World Agroforestry, a révélé que plus des 85 % des 22 pays analysés citent l’agroforesterie comme étant un moyen « inconditionnel » de respecter leurs engagements en matière de lutte contre la crise climatique. Si World Agroforestry peut se targuer de mettre tout en œuvre pour assurer la participation des délégués de l’hémisphère Sud aux réunions, il lui fallait pour cela des ressources. Nous nous sommes donc réjouis de bénéficier du soutien du CTA, qui a permis à 12 délégués de pays ACP d’assister à un séminaire de formation intitulé "Supporting ACP countries to meet their NDCs through agroforestry" (« L’agroforesterie pour la réalisation des objectifs des CDN »), préalablement à la conférence.
Cette formation a ouvert les yeux et changé la vie des participants. Elle a mis en avant le rôle clé des arbres dans la réponse à la crise climatique, notamment lorsqu’ils sont associés aux cultures, avec d’autres plantes ligneuses vivaces.
Tous les délégués étaient originaires de pays ACP : Bénin, Cameroun, Ethiopie, Gambie, Ghana, Kenya, Jamaïque, Nigeria, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Sénégal, Togo, Vanuatu et Zimbabwe. Leur faible niveau de connaissances sur les CDN nous a étonnés, alors que ces contributions sont essentielles. La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) stipule en effet qu’elles sont « au cœur » de l’accord de Paris sur le climat et qu’elles incarnent « les efforts consentis par chaque pays pour réduire les émissions nationales et s’adapter aux effets du changement climatique ».
Des participants incités à faire bouger les choses
Une fois la formation terminée, 10 des 12 participants ont fait part de ce qu’ils avaient appris et de ce qu’ils envisageaient de faire maintenant sur les CDN. « Cela m’a réellement interpellé. La formation a renforcé considérablement mon intérêt pour la question du changement climatique », a déclaré Modou Badjie, qui coordonne un projet d'adaptation écosystémique du FVC au sein du ministère gambien en charge de l’Environnement, du changement climatique et des ressources naturelles.
« Cela m’a donné envie d’apporter ma propre contribution et j’ai donc rédigé pour mon patron un rapport dans lequel j’explique ce que l'Institut de recherche forestière du Kenya peut faire pour contribuer au respect des CDN », a expliqué pour sa part Riziki Mwadalu, pédologue.
« Je suis très enthousiaste. J’ai à présent compris comment l'agroforesterie peut incontestablement atténuer le changement climatique, et je m'engage davantage à en parler dans mon pays », a souligné Adden Ayi Kofi de l'Unité technique café cacao du Togo.
Seuls deux des 10 participants qui ont donné leur feedback avaient consulté la CDN de leur pays avant la formation – Fatimata Niang Diop, dans le cadre de son travail de conférencière et de chercheuse à l’Institut des sciences du Sénégal, et Modou Badjie, de Gambie, pendant ses études de master. Les sept autres participants n’ont découvert la CDN de leur pays qu’en se rendant au centre de formation et beaucoup ont admis qu’ils n’en connaissaient pas grand-chose ou qu’ils n’y avaient pas beaucoup réfléchi, même si le service en charge de la CDN se trouvait parfois dans le même immeuble que leur bureau ou dans un immeuble où ils se rendent régulièrement.
Ce manque de connaissances m’a d’autant plus étonnée que tous les participants travaillent dans le secteur de l’agriculture ou des ressources naturelles. La CCNUCC doit de toute évidence mieux communiquer sur la nécessité de respecter les CDN tandis que les services nationaux responsables de la gestion des CDN doivent se montrer plus proactifs. Toutes les personnes travaillant dans des domaines en lien avec la lutte contre le changement climatique doivent s’atteler à promouvoir la CND de leur pays. La formation qui a été organisé semble heureusement avoir suscité l’intérêt des participants.
« Le service en charge de la CDN se trouve dans les bureaux de notre ministère de l’Environnement. Je n’ai pour l’instant aucun contact avec celui-ci mais j’envisage de m’y rendre bientôt », a indiqué le Togolais Adden Ayi Kofi. Trois des cinq délégués qui savaient où se trouvait le service national de la CDN ont à présent pris « un premier contact ». Autre signe positif, une participante réfléchit à présent comment intégrer la capture du carbone dans le nouveau plan stratégique du jardin botanique national de son pays.
L'agroforesterie au service des CDN
Lorsqu'on leur a demandé quelle était la phrase entendue lors de la formation dont ils se souviendraient longtemps, la toute grande majorité des participants a répondu « Cultiver des arbres et non les planter ». Cette phrase, prononcée par Lalisa Duguma et expliquée ici de manière détaillée, signifie que pour qu’un arbre arrive à maturité, il ne suffit pas de semer un plant dans le sol.
Mais il y a eu d'autres « moments eurêka » et prises de conscience. Certains participants ont ainsi cité les phrases « L’agroforesterie est le moyen le plus sûr, le plus efficace et le moins cher de respecter les CDN » et « Les CDN peuvent être une solution concrète de premier plan face au changement climatique ». Adden Ayi Kofi, nommé administrateur de l'Union internationale de l'agroforesterie lors du Congrès, s'est émerveillé de la façon dont l'agroforesterie peut changer le monde en réduisant la température.
Certes, World Agroforestry croit en l'agroforesterie, mais les affirmations qui précèdent se vérifient de plus en plus. Parmi les scientifiques, un consensus se fait jour quant au fait que les arbres peuvent réduire le carbone atmosphérique jusqu'aux niveaux d'avant la crise climatique et que l’essentiel des superficies disponibles pour faire pousser des arbres se trouve dans les exploitations agricoles. « Nous savons que planter des arbres sur des terres agricoles offre de formidables perspectives. Dès lors, pourquoi ne pas franchir le pas ? », se demande le Zimbabwéen Misheck Musokwa, qui montre des signes d’impatience.
La formation s’est terminée sur cette note très positive. Personne n’a trouvé ce thème des CDN ennuyeux, les participants sont repartis en se sentant investis d’une nouvelle mission.