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La traçabilité est un enjeu majeur dans le secteur cacaoyer en Côte d'Ivoire. Pour Nitidae, la « blockchain » représente une solution pour lutter contre la fraude et favoriser une production éthique. L'ONG lyonnaise, avec l'appui du CTA et de Gaiachain, a mené de février 2019 à avril 2020, un projet avec une coopérative de la région de la Mé, en Côte d’Ivoire. Enseignements, bénéfices, perspectives : voici un premier bilan de l'expérience « Cocoblock ».
La filière cacao se trouve à la croisée des chemins en Côte d'Ivoire. Les rendements demeurent très faibles ; la fraude relative à la qualité du cacao bio est commune, encouragée par l'absence de système de traçabilité efficace. Le secteur doit trouver des solutions : la « blockchain » semble particulièrement adaptée pour l'aider à relever ces défis.
Une traçabilité améliorée pour une filière plus durable
Le CTA, dans le cadre de son projet précurseur pour promouvoir l’utilisation de la « blockchain » dans l'agriculture, a lancé un appel à propositions en septembre 2018. Nitidae a ainsi bénéficié, comme trois autres lauréats, d'un financement de près de 60 000 € pour lancer son initiative « Cocoblock, la blockchain pour une meilleure traçabilité du cacao en Côte d'Ivoire ».
Afin de favoriser une filière de cacao ivoirienne plus durable et efficiente, il faut inciter les petits producteurs à adopter des pratiques allant en ce sens. Nitidae, avec l'aide de Gaiachain, société anglaise spécialisée dans les outils « blockchain », a donc imaginé un système de traçabilité reposant sur cette technologie. Objectifs : proposer une solution décentralisée qui permet de limiter la fraude, diminuer les coûts de transaction et augmenter les marges bénéficiaires de la production de manière durable. Un prototype d’application a été développé puis testé au sein d'une coopérative de la région de la Mé, les Producteurs de cacao biologique de la Mé (PCBM).
Un écosystème sensibilisé aux atouts de la « blockchain »
Cent-soixante-et-un membres de la PCBM étaient impliqués dans le projet Cocoblock au sein de la zone pilote – 306 ha de parcelles, réunies au sein de trois villages - Diasson, Mébifon, Biéby. Le travail mené in situ a permis de cartographier la chaîne de valeur, depuis la récolte jusqu'au port, et d’intégrer les données relatives aux différentes étapes clés dans la blockchain. Les exploitants, formés sur place, motivés et impliqués, ont pu expérimenter la solution en conditions réelles et favorisé le traçage de près de 500 kg de cacao.
Le projet s’est également intéressé aux paiements mobiles automatiques. Toutefois, le faible développement de ce mode de paiement dans la région et la courte période d’expérimentation, cette possibilité n’a pu être suffisamment testée.
Parallèlement, Nitidae et le CTA ont mené un travail de mobilisation et de sensibilisation via des consultations publiques, des entretiens ou des ateliers. Dans le cadre de ses différents projets, le CTA favorise les échanges et la diffusion des connaissances. Le partage d’information sur les opportunités et les limites de la « blockchain » pour la filière du cacao était un enjeu important. Par ailleurs, les quatre projets sélectionnés par le CTA ont entretenu des collaborations et des synergies diverses, après la mise en place d’un mécanisme de partage des connaissances.
Recommandations et perspectives
Le projet a permis de tirer de précieux enseignements quant aux utilisations possibles de la technologie « blockchain » dans le secteur du cacao ivoirien. Malgré la courte durée du projet, Cocoblock a montré que la « blockchain » pouvait contribuer à une meilleure traçabilité de la production à un niveau micro. S’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir, nous entendons capitaliser sur les résultats obtenus. Aussi Nitidae et le CTA formulent plusieurs recommandations afin de pérenniser le projet à moyen/long terme et de faciliter l’adoption de la « blockchain » autour des axes suivants :
- impliquer et sensibiliser au maximum les acteurs sur toute la longueur de la chaîne de valeur agricole et poursuivre la promotion des solutions numériques ;
- s'inscrire dans les programmes nationaux de financement des cultivateurs sous-traitants et de financement afin de multiplier les expérimentations ;
- développer un module de registre de paiement fonctionnel basé sur la « blockchain » dans l'application de traçabilité en version bêta ;
- développer un module alpha de paiement mobile intégré au système ;
- soutenir la transition vers un écosystème digital au sein de la coopérative pour enregistrer les transactions d'achat/vente.
Ce projet a permis de confirmer le potentiel de la « blockchain » au service de la traçabilité du cacao bio. Il a confirmé une intuition, à savoir que les petits producteurs auront besoin d'une maturité digitale supérieure pour adopter les pratiques liées à cette technologie. Toutefois, nous savons qu’il ne faut pas aller trop vite et nous demeurons modestes. La digitalisation du système d’information et des pratiques des organisations agricoles est indispensable pour une réelle adoption. Le ciblage d’organisations situées un niveau supérieur de la chaîne de valeur (grossistes, grandes structures agroalimentaires, organismes financiers, etc.) pourrait être plus efficace pour expérimenter la « blockchain » dans l’agriculture.