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Theo de Jager préside l’Organisation mondiale des agriculteurs, qui représente plus de 1,5 milliard d’agriculteurs à travers le monde. Il nous explique ici ce qu’il a appris en collaborant pendant 10 ans avec le CTA et nous dévoile les clés de la réussite du Centre.
J’ai appris à mieux connaître le CTA et ses activités en participant à l'un des Briefings de Bruxelles sur le développement, que le Centre, en 2010. Devenu en 2012 président de la Confédération des syndicats agricoles d'Afrique australe, j’ai eu l’occasion de rencontrer les dirigeants du CTA et de réfléchir avec eux à la planification stratégique de leurs activités. Nous avons ainsi examiné comment s’assurer que les agriculteurs africains bénéficient du travail du CTA et identifié les thèmes par ordre de priorité pour que les petits exploitants agricoles puissent développer des activités et des entreprises rentables et pérennes.
Dès 2014, après avoir été élu à la présidence de l'Organisation panafricaine des agriculteurs, mes contacts avec le CTA sont devenus plus réguliers. Cette année-là, j’ai participé à l’événement célébrant les 30 ans du Centre. Je me souviens encore très bien des préparatifs. Nous avons eu d’intéressantes discussions sur la voie à suivre par le CTA, sur les activités et les interventions à promouvoir dans le secteur agricole au cours des cinq prochaines années et sur ce qu’il faudrait faire pour que ses activités et ses efforts aient un impact concret pour les différents bénéficiaires et les exploitations agricoles.
Pionniers du développement
Les organisations au sein desquelles j'ai eu le privilège de travailler et que j’ai eu l’honneur de diriger ont énormément bénéficié des activités et des efforts du CTA dans le domaine du partage d’information et de l’échange de connaissances, de la mise en place de partenariats et du renforcement des capacités. Mais l’action du CTA s’étend bien au-delà et son impact est loin de se limiter à ces trois domaines d’intervention. Dans les années 1820/30, en Afrique du Sud, pays dont je suis originaire, les charrues étaient tirées par des bœufs, l’attelage étant confié à un jeune garçon. La première fois que j’ai rencontré la direction du CTA, j’avais toujours en tête cette image du garçon d’attelage, scrutant en permanence l’horizon à la recherche du meilleur chemin. Car avec un attelage de bœuf, il est pratiquement impossible de faire demi-tour – il faut emprunter d’emblée le bon chemin et une seule chance d'y parvenir. Le CTA, qui s'est donné pour mission d’identifier une vision pour l’agriculture et le développement rural et les moyens pour la mettre en œuvre dans les 5 à 10 années à venir, a scruté l’horizon et fait découvrir l’agriculture de demain aux agriculteurs d’aujourd’hui.
Ainsi, c’est via le CTA – et plus précisément lors d’un Briefing de Bruxelles - que j’ai entendu parler pour la première fois du « big data ». J’y ai également découvert la technologie de la « blockchain». Toujours lors d’un Briefing sur développement, j’ai appris qu’il était possible d’utiliser des drones pour l’agriculture – je n’aurais jamais pensé que c’était possible ! Difficile d’imaginer que la « blockchain » n’existait pas encore il y a 5 ans et que l’idée d’utiliser les drones pour l’agriculture était à l’époque révolutionnaire. J’ai aussi du mal à concevoir que cela n’étonnera plus personne d’ici 5 ans ! Mais pour diffuser ces technologies et ces idées émergentes, faire en sorte que les agriculteurs les utilisent et les mettent à profit pour améliorer la rentabilité et la pérennité de leur exploitation, il faut un intermédiaire et un catalyseur unique. Tel est le rôle du CTA.
Un éventail unique de compétences
Afin d'anticiper ces tendances et les intégrer dans l’agriculture de demain, le CTA s’est appuyé sur son principal atout : le capital humain. Qu'il s'agisse de digitalisation, de stratégie commerciale ou d'identification des lacunes et des opportunités en matière de développement agricole, le personnel du CTA a été la clé du succès. Rares sont les organisations qui peuvent se prévaloir d’avoir identifié ces innovations et thèmes émergents, d’avoir présenté des concepts innovants et complexes d’une manière compréhensible aux acteurs internationaux du secteur agricole – afin qu’ils puissent les faire découvrir à leurs organisations nationales/régionales/continentales qui vont ensuite les présenter aux agriculteurs pour qu’ils puissent utiliser ces nouvelles technologies.
Je n'ai rencontré aucune autre organisation œuvrant à ce niveau. Pour faire ici la différence, il faut disposer de compétences uniques. C’est le cas du CTA. Au cours des 10 années durant lesquelles j’ai collaboré avec le Centre, je me suis rendu compte que le CTA avait fait bien plus que se distinguer : il a été le seul acteur à occuper cet espace. Le CTA a ainsi changé la donne dans le domaine des technologies et de la digitalisation. Il a présenté des nouvelles pratiques agricoles bien avant qu’elles ne soient utilisées dans la pratique. Le CTA a vraiment ouvert la voie, nous aidant à nous préparer, en tant qu’agriculteurs.
Je ne pense pas que le travail du CTA doive être évalué en 2019/2020, mais plutôt dans 20 ans ou dans 50 ans, quand les graines qu’il a semées auront germé et poussé. Je pense que nous nous rendrons compte alors rétrospectivement que si nous avons pu éradiquer la faim et la pauvreté de notre vivant, c’est grâce au CTA qui a réussi à faciliter l’accès des petits agriculteurs des pays les plus pauvres aux nouvelles technologies et aux développements innovants. Le CTA plante des graines, il n’a pas vocation à les récolter. Attendons sans trop d’impatience la prochaine récolte.