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Au Nigéria, production et transformation de manioc génèrent d’importantes quantités de déchets et de résidus dangereux. Ces déchets contribuent aux émissions de gaz à effet de serre (GES). Une intervention innovante et intelligente face au changement climatique consiste à transformer les épluchures de manioc en aliments pour animaux. La valorisation réduit la demande de maïs pour l’alimentation animale, crée de nouveaux débouchés commerciaux à partir des déchets tout en diminuant les risques liés aux déchets et les émissions de GES.
Les émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à la transformation des aliments et aux déchets après-récolte contribuent de manière non négligeable au changement climatique à l’échelle mondiale. Selon la FAO, les déchets et les pertes de produits alimentaires représentent environ 4,4 Gt de GES (4,4 Gt équivalent CO2) par an. Si ces pertes et déchets alimentaires étaient le fait d’un pays, celui-ci serait le troisième émetteur mondial après la Chine et les Etats-Unis. Les déchets et les pertes de produits alimentaires génèrent en fait quatre fois plus d'émissions annuelles de GES que l'aviation, des niveaux comparables à ceux générés par le transport routier.
Les GES émis par les déchets agricoles proviennent de diverses sources : exploitations agricoles, électricité et énergie thermique utilisées pour la transformation, énergie utilisée pour le transport, le stockage et la cuisson des aliments et décomposition des déchets. S’y ajoutent le changement d’affectation des terres et la déforestation associés à la production d'aliments qui sont finalement perdus ou gaspillés. La lutte contre ces déchets offre ainsi de réelles perspectives en termes de réduction des émissions de GES.
Le Nigéria produit chaque année quelque 57 millions t de racines tubéreuses de manioc, ce qui en fait le premier producteur mondial (FAO). Le manioc est une importante source de nourriture et procure des moyens de subsistance à de nombreux ménages. Sa transformation génère en revanche de grandes quantités de déchets divers, notamment des résidus solides et liquides dangereux pour l'environnement. Les déchets organiques les plus importants générés par la transformation du manioc sont les épluchures de manioc et l'effluent liquide extrait de la pulpe fermentée. Mais ce ne sont pas les seuls déchets issus de la transformation : les trognons ainsi que les tubercules sous-dimensionnés ou abîmés sont eux aussi éliminés au cours du processus de transformation. Ensemble, ces déchets représentent jusqu'à un tiers du poids total des tubercules transformés. Les épluchures sont généralement jetées dans les champs ou dans l’eau. Elles y pourrissent et leur décomposition s’accompagne de risques pour la santé et l’environnement. Selon l'Institut international de recherche sur l'élevage (ILRI), la transformation du manioc génère environ 14 millions t d’épluchures par an au Nigéria. Les études de l’ILRI montrent que ces épluchures pourraient être utilisées pour accroître la disponibilité des aliments pour animaux, ce qui permettrait aussi de réduire les émissions de GES.
En 2015, les chercheurs du CGIAR ont mis au point un processus low-tech qui permet de transformer rapidement les épluchures humides de manioc en aliments pour animaux sûrs, hygiéniques et de qualité. Le processus est simple et donc accessible aux petits transformateurs, dont plus de 80 % sont des femmes. Il permet de valoriser les déchets en les transformant en aliments pour animaux, contribue à la création de nouveaux revenus et d’emplois et améliore le bien-être en assainissant l’environnement. Il contribue également à réduire les émissions de GES à proximité des centres de transformation du manioc.
Les résultats de ces travaux et d’essais, menés avec le secteur privé, ont désormais trouvé une application concrète. Une technologie de transformation innovante transforme à présent les épluchures fraîches en pulpe qui entre dans la fabrication d’aliments pour animaux (ILRI). Ces épluchures sont également transformées en biogaz qui peut être utilisé comme source d'énergie alternative, ce qui permet de réduire les émissions des combustibles fossiles.
L'agriculture climato-intelligente apparaît souvent comme une priorité pour les agriculteurs et les producteurs qui cultivent les aliments dont nous avons besoin. Veillons toutefois à ne pas négliger les autres maillons de la chaîne de valeur agricole : des possibilités de réduction des émissions de GES existent un peu partout, y compris là où on ne s’y attend pas.
Cet article a été rédigé dans le cadre d’une initiative menée par le CTA visant à documenter et à partager les connaissances exploitables sur les approches agricoles efficaces pour l’agriculture des pays ACP. Il capitalise sur les connaissances, les enseignements et les expériences pratiques afin de documenter et d’orienter la mise en œuvre de projets axés sur l’agriculture pour le développement.