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Les cryptomonnaies ont d’abord été utilisées pour les envois de fonds. Une monnaie numérique sans frontières peut en effet être utilisée pour transférer des fonds d’un pays à l’autre, bien plus rapidement et à moindre coût qu’avec les méthodes traditionnelles. La plateforme de prêts participatifs EthicHub s’est penchée sur les opportunités de ce système appliqué à l'agriculture. Jana Petkanic, du bureau d’EthicHub au Benelux, parle du projet de l’entreprise, basé sur la blockchain, mis en œuvre au Mexique.
Le défi
Dans les pays en développement, près de deux milliards de petits exploitants non bancarisés ont des difficultés à développer leurs activités en raison d’un manque de garanties, qui sont nécessaires pour avoir accès à des prêts abordables. Les crédits qui leur sont octroyés (souvent en espèces) sont souvent assortis de taux d’intérêt extrêmement élevés (supérieurs à 5-10 % par mois). Pour les institutions financières, les groupes de petits producteurs ne représentent pas une opportunité d’investissement attrayante. Ils constituent un risque trop élevé et n’empruntent que de petits montants, qui ne permettent pas de rentabiliser les frais administratifs.
La solution
EthicHub exploite les avantages de la blockchain au profit des petits exploitants non bancarisés ou marginalisés, dans le but de « démocratiser la finance et de rendre le crédit et les opportunités d’investissement accessibles à tous ». La plateforme de prêts participatifs de l’entreprise présente aux prêteurs un portefeuille de projets rentables avec un risque de défaut de remboursement inférieur à 3 %. La plateforme permet aussi des transactions entre pairs, dans le cadre desquelles des investisseurs individuels agissent collectivement en tant que prêteurs et peuvent entrer en contact avec les producteurs. Les investisseurs peuvent choisir librement leurs projets et constatent directement l’impact de leur investissement.
Pour les producteurs (emprunteurs), l’avantage de cette plateforme est qu’en l’absence d’intermédiaires financiers, ils remboursent leurs prêts à un taux plus bas. De plus, les antécédents en matière de crédit des emprunteurs sont bien documentés, et grâce à la blockchain, ne peuvent être modifiés. Depuis le premier trimestre de 2018, EthicHub a facilité le prêt de 40 000 $ à 60 agriculteurs de trois communautés mexicaines de l’Etat du Chiapas (Las Delicias, San Rafael et La Boquilla), qui sont tous à jour dans leurs remboursements.
L’application
Les prêts sont libellés dans la devise locale des agriculteurs - en pesos, dan le cas présent. Pour les changer dans une autre devise et transférer l’argent dans un autre pays, grâce à la blockchain, une cryptodevise est nécessaire : baptisée « DAI », sa valeur est définie en fonction d’un taux de change fixe par rapport au dollar américain.
Pour atténuer le risque de change et de défaut de remboursement, EthicHub a développé son propre token, Ethix, qui servira à alimenter un fonds d’indemnisation régi par un contrat intelligent. Ethix permet aussi de préserver la fiabilité des utilisateurs grâce à un programme de fidélisation et de récompense. Quand la structure de gouvernance de ce genre de systèmes est axée sur les détenteurs de tokens, les plus grands investisseurs peuvent essayer d’orienter les décisions dans leur intérêt et non dans celui du projet. En revanche, dans le système EthicHub, les principaux utilisateurs – les emprunteurs, les investisseurs et les personnes chargées d’identifier les projets – ont davantage de contrôle lorsqu’ils utilisent la plateforme et Ethix. Des droits de gouvernance leur sont octroyés en fonction du montant et du type de leur contribution – cet équilibre fera partie intégrante du déploiement de la gestion décentralisée. Les utilisateurs pourront ainsi réellement s’approprier la plateforme.
Soutien au projet
Les fondateurs d’EthicHub, Jori Ambruster, Pablo Chang et Raul Martinez, ont de l’expérience en matière de gestion d’entreprises européennes, de caféiculture et de commerce au Mexique. L’un d’entre eux a aussi géré une institution de microfinance au Mexique et octroyé des microcrédits à 8 000 petits exploitants avec un taux de défaillance inférieur à 3 %. Les fondateurs ont été actifs dans le secteur de la caféiculture et, après avoir découvert la technologie de la blockchain, ils ont fondé EthicHub en 2017. Le projet, porté par une formidable équipe, a depuis lors été présenté lors de forums sur la blockchain en Asie, en Europe, au Mexique et à New York.
Depuis son lancement, le projet a bénéficié d’un soutien international, notamment pour financer le développement du prototype du projet et mettre sur pied le premier bureau d’identification des projets au Chipas. EthicHub a été élu « Meilleur projet d’inclusion financière » par Blockchain4Humanity à LaBitConf à Bogota et « Start-up avec le plus grand impact social » par les Spanish Fintech Awards 2018. Il a aussi reçu le prix « Design for Development » de la Cooperacion Española lors de la Biennale de design ibéro-américain. L’UAM (une université publique espagnole) réalise une étude d’impact pour l’entreprise dans le cadre de son programme de Master en microfinance et inclusion financière.
Un dernier conseil
Les projets basés sur la blockchain sont étroitement liés aux communautés. Il est donc essentiel de renforcer les communautés sur la base de valeurs communes et d’une vision partagée. Cela prend du temps et il n’existe pas de recette miracle, mais gagner la confiance et le soutien des locaux est nécessaire pour garantir le succès d’un projet. Il faut trouver un réel problème à résoudre et commencer à l’échelle locale avant d’élargir ses activités au niveau mondial.
Cet article fait partie d'une série d'études de cas sur les applications blockchain pour l'agriculture, menée par l'Université de Wageningue pour le CTA. Retrouvez les autres études de cas sur cette page : https://www.cta.int/fr/blockchain.