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En discutant avec de jeunes agripreneurs africains, on comprend vite que l’accès au financement compte parmi leurs préoccupations majeures. L’analyse plus approfondie de leur modèle d’affaires révèle que les jeunes chefs d’entreprise ne sont pas considérés comme solvables ou dignes d’investissement, principalement parce qu’ils n’ont pas systématiquement accès à des débouchés sûrs. En un mot comme en cent, leur carnet de commande est peu garni et leur accès aux marchés est limité.
Le concept de la chaîne de valeur repose sur une pyramide avec au sommet un acheteur principal et en dessous, une série d’acteurs qui fournissent les composants du produit final. Dans le secteur de l’agriculture, cette chaîne de valeur part de l’agriculteur et de ses produits primaires et aboutit aux produits finis et emballés qui sont vendus dans les supermarchés.
Des agences qui soutiennent le développement de l’agriculture, dont l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), ont par ailleurs constaté que dans la chaîne de valeur, le flux financier était amorcé par le contrat d’achat de l’entreprise ou de l’acheteur final au bout de la chaîne de valeur. En d’autres termes, les fournisseurs actifs dans la chaîne de valeur utilisent le contrat qu’ils ont conclu avec un acheteur aux reins solides pour convaincre des prêteurs et des investisseurs que leur argent est entre de bonnes mains et qu’ils peuvent être sûrs de tirer un bon rendement de leur prêt ou de leur investissement.
Encourager la participation des jeunes aux chaînes de valeur agroalimentaire en Afrique
Cela ressemble fort au scénario de la poule et de l’œuf – avoir plus d’argent permet de sécuriser des parts de marché –, mais une analyse plus approfondie de la dynamique du marché alimentaire montre qu’un marché mature et un acheteur solvable sont un indicateur de durabilité et de réussite à long terme plus pertinent que l’accès aux capitaux. Sans débouchés, pas de trésorerie : les dépenses d’exploitation finissent par obliger les chefs d’entreprise à fermer boutique.
Certains pays, comme le Kenya et le Rwanda, viennent d’adopter des lois sur les marchés publics qui prévoient de consacrer un certain pourcentage des dépenses publiques à des achats de biens et services proposés par des entreprises dirigées par des jeunes (et des femmes). Plusieurs grandes entreprises ont également commencé à solliciter les jeunes agriculteurs et producteurs. Cette tendance est positive, certes, mais on pourrait et on devrait prendre davantage de mesures pour encourager et aider les jeunes à participer aux chaînes de valeur agricole en Afrique. Par exemple, en réservant aux jeunes des possibilités de fournir des matières premières et des produits finis à des acheteurs publics et privés désireux d’affecter une partie de leur budget à des exploitations et des entreprises dirigées par des jeunes dans la filière agricole.
Les gouvernements et les partenaires de développement qui cherchent à lutter contre le chômage et à promouvoir l’esprit d’entreprise chez les jeunes devraient comprendre que le fait que les jeunes ne voient pas dans l’agriculture et l’agribusiness des secteurs où faire carrière s’explique en partie par les difficultés de vendre les produits agricoles sur les marchés. Ce problème est encore aggravé par le fait que les jeunes agripreneurs ne peuvent rivaliser en qualité et en volume avec d’autres producteurs.
Soutien commercial
Pour cette raison, il est nécessaire de prévoir un soutien technique de la part des acheteurs – ou aligné sur les besoins des acheteurs – au travers de programmes de développement de fournisseurs. Ce soutien pourrait être apporté dans le cadre de programmes d’incubation ou d’accélération, ou directement par les acheteurs principaux. L’objectif est d’analyser la chaîne de valeur, de segmenter les produits requis pour fabriquer le produit fini, puis d’aider les jeunes entrepreneurs à améliorer leur capacité de produire des volumes adéquats de produits de qualité, adaptés au marché qu’ils ciblent.
Il reste que même si l’accès aux marchés est garanti, l’agribusiness ou le secteur de l’alimentation à valeur ajoutée ne trouveront pas grâce aux yeux de tous les jeunes. Pour encourager davantage de jeunes à se lancer dans l’agriculture – un impératif pour la sécurité alimentaire en Afrique –, il faut prévoir des mesures d’incitation. Cela implique de garantir un accès aux marchés, de fournir une assistance technique pour le développement des fournisseurs et de proposer du capital risque et des prêts. L’objectif est d’offrir un certain niveau de rentabilité et de durabilité aux jeunes entrepreneurs. Un tel scénario peut réussir à changer le point de vue des jeunes sur l’agriculture en Afrique. L’agriculture ne serait plus cette impasse sans guère de débouchés, mais prendrait les allures de voie royale pour un grand nombre de jeunes.
Cet article a été rédigé dans le cadre d’une initiative menée par le CTA visant à documenter et à partager les connaissances exploitables sur les approches agricoles efficaces pour l’agriculture des pays ACP. Il capitalise sur les connaissances, les enseignements et les expériences pratiques afin de documenter et d’orienter la mise en œuvre de projets axés sur l’agriculture pour le développement.